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Derrière les rideaux, la scène (ou l'écran)
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13 mars 2008

Révisez vos classiques (et deux fois plutôt qu'une!)

Coucou, c'est Mary!

Eh oui, j'ai de plus en plus de mal à tenir ce blog théâtral à jour! Pourtant il y a des spectacles dont j'aurais aimé vous parler, mais... manque de temps, et puis si je vais les voir vers les dernières représentations, ça me laisse peu de temps pour vous en parler tant qu'elles se jouent encore, ces pièces. J'espère donc que vous n'avez pas loupé "La guerre de Troie n'aura pas lieu" au Parc en janvier (enfin "pour les amateurs de rhétorique" selon le Soir... C'est vrai que le texte n'est pas des plus faciles et léger et que ça durait 2h30 mais c'était si bien joué et mis en scène... Moi j'ai adoré!).

Enfin, bref, je vais donc aujourd'hui vous parler d'une pièce et d'un spectacle. Le spectacle, c'est trop tard pour le voir en Belgique... Mais j'ai envie de vous en toucher un mot quand même parce que si vous avez l'occasion de les voir passer quelque part pas loin de chez vous, il faut y aller...
Enfin, je commence par la pièce, car elle se joue encore.

Il s'agit de "Mephisto for ever", d'un auteur flamand, Tom Lanoye, librement inspiré d'un roman de Klaus Mann, et adapté ici en français (pour la première fois) par Alain van Crugten.
La pièce se joue en ce moment, et jusqu'au 29 mars, au théâtre de la place des Martyrs (http://www.theatredesmartyrs.be/pages%20-%20saison/grande-salle/piece5.html).

mephisto

L'intrigue, en quelques mots: une troupe de théâtre répète "Hamlet", ou plutôt, attend la comédienne principale (juive) pour commencer les répétitions. Mais voilà, on est jour d'élections et la ville est dangereuse. Lorsqu'enfin la troupe est au complet, la nouvelle tombe comme un couperet. "Ils" ont gagné. Le National Sozialism a remporté les élections. Dès lors, que faire? Fuir? C'est ce que feront les comédiennes juives, même si l'une reviendra au pays plus tard... Se réjouir? Rester et résister? Chacun prend la décision qu'il croit la bonne, et rapidement, le nouveau ministre de la culture va venir nommer directeur du théâtre le comédien vedette et metteur en scène de ce Hamlet, Kurt Köpler. Moyennant quelques petits arrangements (le ministre est amoureux d'une comédienne au talent douteux, mais elle sera bien sûr à l'affiche...). Kurt accepte car il veut résister de l'intérieur et offrir un message subversif via sa programmation théâtrale.
La pièce présente alors les répétitions, les douleurs, les haines, les oppositions, les nécessaires compromis, les déchirures de ce groupe d'hommes et de femmes durant cette période oh combien trouble et violente qui va de la montée du nazisme jusqu'à la fin de la 2ème guerre mondiale.

La pièce n'est donc pas particulièrement légère, ni drôle. Même si certaines réflexions ne manquent pas de cynisme. Dans les thèmes, on a à la fois une réflexion sur le théâtre, l'authenticité du comédien, les 4 P : Poésie, Perversion, Passion, Plaisir (moi je connaissais les 4 P du marketing mix, rien à voir! ;-P), et surtout, une réflexion sur les liens entre le théâtre (et l'art en général) et la politique.
On croise de nombreux extraits d'auteurs du répertoire, au détour d'une répétition, chacun s'appropriant les mots de son rôle, chaque scène prenant un sens différent à la lumière des événements et du contexte, les comédiens se servant des textes pour exprimer leurs sentiments et leurs doutes.
Le texte fait la part belle à Shakespeare (Hamlet bien sûr, mais aussi Jules César ou Roméo et Juliette,...), à Tchékhov (on reconnait 'La cerisaie' et 'La mouette'), ainsi qu'à Goethe et son Faust, Allemagne oblige et surtout, Méphisto oblige!

mephisto1
(Angelo Bison et Stéphane Excoffier)

Tout ça fait qu'au final, c'est peut-être un peu long. La pièce dure 2h10 et, si elle ne m'a pas parue pesante, je n'irais pas jusqu'à dire que ça passe en un éclair non plus. Il y a certainement quelques longueurs, des répétitions (c'est le cas de le dire - je veux dire par là, des réflexions ou des idées qui se répètent, bien sûr!)... Bref, une pièce dans la réflexion beaucoup plus que dans l'action.

Pour orchestrer tout ça, la mise en scène d'Elvire Brison joue la carte du son et (surtout) de la vidéo. Le décor est très dépouillé, la lumière faible ou crue ajoute à l'ambiance sombre, presque glauque, de certaines scènes, et des écrans reçoivent les projections d'extraits vidéo, soit pour montrer les scènes extérieures au théâtre et la guerre qui fait rage, soit pour suivre et échanger avec les comédiennes exilées.
Tout cela ajoute encore à la mise en abyme déjà présente dans le texte et augmente encore un peu plus les niveaux de lecture (entre les répétitions à Berlin, la vie de la troupe à Berlin, la vie des juives exilées, et ces dernières qui lisent également du théâtre). Tout ça s'entremêle, créant de nouvelles perspectives, suggérant et renforçant certaines émotions, mais perdant parfois aussi un peu le spectateur en ajoutant une distanciation un peu trop importante (idem pour des éclairages globalement 'en noir et blanc', on est moins directement dans le propos, on a l'impression que ce n'est que du passé...).

mephisto2
(Erika Sainte)

Le jeu des comédiens est globalement très bon! J'épinglerai particulièrement Angelo Bison, qui interprète Kurt Köpler avec beaucoup de nuances et tout en retenue et en intériorisation (son "je.... je... je...." final résume les doutes et les ambiguités du personnage qui ne sait plus lui même s'il a bien ou mal agi). Angelo Bison excelle dans ce genre de registre (n'empêche que j'aimerais bien le voir une fois jouer quelque chose de plus léger, ou autre chose, parce que je l'ai vu récemment dans 'Nature morte dans un fossé', très bien aussi mais j'ai un peu l'impression qu'il se répète d'un rôle à l'autre... Enfin ça n'empêche que dans 'Mephisto for ever' il est très bon!).
Bernard Sens campe un extraordinaire ministre de la culture... entre bonhommie et autoritarisme... personnage que je trouve très ambigu : il adhère au parti nazi, il est antisémité, et pourtant, il admire le comédien Kurt Köpler, il aime le théâtre, il voudrait le laisser jouer la programmation qu'il a choisie, même si elle ne colle pas à la propagande du Reich... à laquelle il semble pourtant croire...
Itsik Elbaz est également impressionnant dans les 2 rôles qu'il interprète. D'abord militant d'extrême droite déçu d'avoir remplacé des oppresseurs bourgeois par d'autres intéressés également par l'argent (dans ce rôle, il mélange un cynisme glacial et des convictions défendues, j'allais dire, avec pureté), il joue ensuite le ministre de la propagande avec beaucoup de brio (rendant le type particulièrement détestable. Son discours en 10 points pour défendre la politique d'Hitler et rassurer le peuple en démontant les arguments des alliés est un véritable morceau de bravoure qui fait froid dans le dos!)
Enfin, Stéphane Excoffier est très juste dans 2 rôles pourtant opposés: la comédienne juive exilée Rebecca Füchs et Linda Lindenhoff, maîtresse du ministre de la culture et piètre actrice. Quant à John Dobrynine, il est particulièrement intéressant dans le 2ème rôle qu'il interprète, le 'nouveau leader'... Mais son interprétation de Victor Müller, ancien directeur du théâtre et sympatisant communiste, est très juste également.

mephisto3
(Bernard Sens)

Bref... une pièce à voir pour le jeu des acteurs et surtout pour la réflexion qu'il y a derrière et qui ne manquera pas de vous interpeler (et qui est traitée avec intelligence et sans parti pris dans la pièce!): quel lien l'art peut-il entretenir avec la politique? Doit-il dénoncer, et le peut-il? Quel impact une pièce de théâtre peut-elle avoir sur les gens? En période de crise, de guerre, est-ce futile de continuer à jouer? Ou au contraire, faut-il continuer à offrir cet échappatoire aux gens, ce moyen de rêver, d'imaginer? Peut-on réveiller les consciences par le théâtre? Les artistes doivent-ils fuir ou au contraire résister et tenter de trahir le système de l'intérieur? Jusqu'où peuvent-il accepter les compromis et la collaboration pour pouvoir continuer à exercer leur art? Et est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Comment vivre et retravailler ensemble, "après"? Qu'aurait-on fait, à leur place?
Personnellement je pense que l'art peut et doit participer à l'éducation. Et donc, qu'il faut résister et rester. Je pense que gangrèner le système de l'intérieur doit être possible et que l'impact, même minime, peut être là et sauver des gens.
Je pense, mais j'en suis pas sûre.
Et le débat reste ouvert!

...

Comme promis, et pour clôturer ce post sur une note beaucoup plus légère, un autre spectacle à vous signaler (je l'ai vu vendredi dernier au Jean Vilar à Louvain La Neuve, c'était un accueil de comédiens français, et je ne sais pas si ça se joue(ra) encore quelque part, mais c'est vraiment très chouette et très bien fait alors je vous en parle quand même...)
Le spectacle s'appelle "La fourmi et la cigale (variations sur un air connu)".
Il est écrit par François Mougenot, qui l'interprète également, avec son frère Jacques, lequel s'occupe également de la mise en scène (eh oui, les spectacles en famille, hein... y'en a d'autres qui écrivent père et fils, et ça donne plutôt bien aussi - quel euphémisme...! ;-) )

fourmi_cigale

Le spectacle dure 1h20 et reprend différentes scènes confrontant la besogneuse et prévoyante fourmi, à sa voisine cigale, chanteuse, vivant pour le plaisir, et qui voudrait bien mendier quelque nourriture lorsque le froid est là. Bref, vous connaissez tous l'histoire de la fable de Jean de la Fontaine. Sauf qu'ici, vous retrouvez cette histoire déclinée "à la manière de" bien des auteurs classiques et plus contemporains. C'est très très bien rédigé, avec le style, les tournures de phrases, les mots, les manies, avec une note d'humour en prime... Vous pouvez vous amuser pendant tout le spectacle, outre à savourer cette belle langue française si bien tournée, à reconnaitre les auteurs et les extraits 'parodiés'... Un vrai régal!

Si vous avez des souvenirs de vos cours de français ou simplement que vous aimez la poésie et le théâtre, vous devriez reconnaître sans trop de peine Molière (l'Avare et le Misanthrope), Racine, Shakespeare (la scène du spectre au début d'Hamlet notamment), Feydeau, Victor Hugo, Ronsard, Du Bellay, Apollinaire, Prévert... Et dans un autre style, Audiard et Pagnol, ou encore, Columbo et une série américaine dans le genre aux 'feux de l'amour'... De tout, dans tous les sens, avec plein d'humour et de talent, et une belle interprétation pleine de complicité et de malice, parfois, de justesse, toujours (pas pour rien qu'un des frères a été prof de théâtre, et non des moindres à ce que dit le programme!)
Pour conclure, lorsque "le bis" fut venu, par une splendide tirade de ... Cygalo de Bergerac!

A voir si vous en avez l'occasion, et pour vous mettre l'eau à la bouche, j'ai trouvé un extrait vidéo
La Fourmi et la Cigale - video.TomsGames.com
La Fourmi et la Cigale - video.TomsGames.com

http://video.jeuxvideopc.com/video/iLyROoaftgmV.html

Voilà, de quoi vous donner l'envie d'aller voir plein de spectacles je l'espère!
Et moi, je vais essayer de suivre mieux que ça pour écrire mes critiques, aussi!

Belle fin de journée à vous!

Mary

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Derrière les rideaux, la scène (ou l'écran)
  • Vision subjective mais passionnée de ce qui se joue dans le plat pays qui est le nôtre. Critiques, coups de coeur (souvent) et de gueule (rarement) de Mary (grande "hanteuse" de salles de théâtre) et Peter (assidu des salles obscures) Commentaires welcom
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