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Derrière les rideaux, la scène (ou l'écran)
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16 septembre 2007

Eloge du silence?

Bonjour tout le monde, c'est Mary!

Enfin de retour sur ce blog théâtral! Mais l'été n'est pas la saison la plus fournie pour vous parler de spectacles, avouez! Et comme je l'ai déjà dit, parler de quelque chose qui ne se joue plus, c'est moins intéressant! Donc là je vais essayer de tenter de reprendre le rythme d'écrire juste après avoir vu un spectacle.

Alors au menu de rentrée aujourd'hui? Une création mondiale d'un auteur belge! "Les fines bouches" de Jean-Pierre Dopagne, qui se joue actuellement au théâtre Jean Vilar à Louvain-La-Neuve.

Une pièce étrange, surtout de prime abord. D'ailleurs elle semble choquer beaucoup de gens dans le public, et ils ne peuvent pas s'empêcher de le faire savoir à haute voix... Ah y'a parfois des baffes qui se perdent, vous ne pensez pas? (quoi? oui je suis vache, mais le manque de respect des comédiens est une chose qui m'horripile au plus haut point, na!).
Vous vous demandez sans doute ce qu'il se passe au début de cette pièce? Rien. Le silence. Deux individus assis sur des espèces de coussins-poufs, qui changent éventuellement de position, mais ne disent rien. Pendant... oh, certainement 5 longues minutes, si pas plus. Et visiblement le silence fait peur. Alors certains spectateurs toussent, d'autres font carrément des commentaires à voix haute (en tout cas quand j'ai vu la pièce, j'ose espérer que ce n'est pas tous les jours ainsi, mais j'en doute). Alors qu'il suffit de lire un peu le programme pour savoir que l'idée de départ de la pièce, c'est le silence!

Imaginez: les pouvoirs publics ont créé et financé un espace de silence, un espace où rêver, écouter son vague à l'âme, s'ennuyer. La première règle du lieu le stipule : Le silence absolu est de rigueur. Il s'agit de sauvegarder notre 'patrimoine silence' trop souvent agressé. Une sorte d'espace de détente, pour se débarrasser du stress.
Deux individus, donc, y sont étendus, sur des poufs. Quand soudain, un 3ème entre. Et là, patatras! L'offence, le viol! Il a l'outrecuidance de dire 'bonsoir'. Dès lors, plus rien ne sera comme avant!

fines_bouches_2

Ces trois hommes, différents, qui n'auraient probablement pas dû se rencontrer, vont partager des conversations... Sorte d'accord tacite entre eux, le silence étant brisé, ils se lancent dans des échanges de vues plus ou moins ouverts, ça part mal, ça s'envenime parfois, ça se balance des coups en douce, ça veut 's'éliminer', ça tente des 'alliances', ça mange des roses de Bern (des tomates, je vous rassure!), ça palabre,... Trois solitudes plus ou moins voulues, plus ou moins assumées, qui se rencontrent. Des visions différentes de la société. Une petite dose de philosophie, de nombreux thèmes abordés, avec justesse et profondeur sans lourdeur (la pièce ne dure d'ailleurs qu'1h20)...
Un débat sur la manière de jouir, de profiter de la vie, d'y trouver un but, la relation aux autres, la communication, autant de choses qui s'entre-choquent dans cette manière originale de disséquer notre société de consommation bruyante et égoïste, et sans leçon de morale, sans parti pris, sans qu'une vision ne soit présentée comme 'la' meilleure... Mais de jolis moments de réflexion, car faire 'les fines bouches' à ne vouloir goûter que le meilleur, la culture élitiste, n'est-ce pas aussi le risque de ne plus rien gouter, ne plus rien savourer, au fond?

fines_bouches_3

Trois comédiens excellents pour soutenir cette réflexion et la faire passer aussi bien : Alexandre Von Sivers campe Albert, éditeur, rempli de certitudes mais si perdu dans sa solitude; Christian Labeau est Lucien, le trouble-fête qui vient perturber la quiétude en prononçant le terrible 'bonsoir', employé en assurances, qui dénigre les livres et le 'non utile', mais qui contribuera à faire avancer tout le monde en provoquant les échanges. Le 3ème larron est Fernand, interprété par Bernard Cogniaux, le 'manuel' du groupe, vendeur de légumes, dévoreur de livres pour retrouver le monde, peut-être le plus équilibré des trois, le plus secret aussi, au fond, celui qui accepte les choses telles qu'elles sont avec philosophie.

Enfin, la mise en scène dynamique d'Olivier Leborgne fait définitivement prendre le soufflé, en animant les dialogues et en en faisant ressortir toute la verve, un ping pong, des duels verbaux, rythmés mais pas trop, juste ce qu'il faut pour saisir la réflexion et qu'elle fasse écho, pour rentrer dans le texte et aussi en profiter avec délectation (tiens c'est marrant il me semble que j'avais déjà fait ce genre de remarque à propos d'un autre spectacle - d'un genre pourtant différent!- où rythme et 'impact' du texte se combinent, également mis en scène par Olivier Leborgne! )
Pas de gestes inutiles, un jeu sympa sur les poufs pour meubler le silence du début et qui se répète ensuite tout au long de la pièce, un décor minimaliste (et qui ferait bonne figure pour le 'Huis-clos' de Sartre... j'imagine que c'est voulu!) mais de belles lumières et une bande son tour à tour zen et plus agressive, pour en apprécier mieux le silence... Le tout se mêle avec brio!

fines_bouches_1

Si cela vous a mis en appétit, les Fines bouches c'est au Jean Vilar jusqu'au 21 septembre!
Plus d'infos : http://www.ateliertheatrejeanvilar.be/fr/saison/detail/index.php?spectacleID=276 (site d'où viennent les photos reprises dans cet article)

Bonne soirée à vous

Mary

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  • Vision subjective mais passionnée de ce qui se joue dans le plat pays qui est le nôtre. Critiques, coups de coeur (souvent) et de gueule (rarement) de Mary (grande "hanteuse" de salles de théâtre) et Peter (assidu des salles obscures) Commentaires welcom
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