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Derrière les rideaux, la scène (ou l'écran)
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23 mai 2006

CLOAK

Bonsoir tout le monde!

Eh oui je profite d'une petite soirée de libre où je suis chez moi, pour vous confier "quelques" mots et réflexions à propos d'une pièce que j'ai vue au théâtre Le Public (Bruxelles) fin avril (mince, déjà... le temps passe à une vitesse en ce moment... Moi je ne l'ai pas vu passer ce mois de mai!!! Au secours!)

Bref... Encore que cette parenthèse sur le temps qui passe ne soit pas complètement hors sujet.

La pièce s'appelle CLOAK. Elle a été écrite par Laurence Kahn, jeune sociologue belge ayant à peine dépassé la trentaine. Texte très "contemporain" donc, aussi bien dans la forme (ensemble de dialogues et monologues a priori décousus) que sur le fond et le sujet traité (trentenaire et quadras s'y retrouvent... et les plus jeunes aussi puisque pour info je n'ai pas encore 30 ans - j'ai un an de moins que la Belgique fédérale si vous voulez tout savoir ;-) Et je suis la championne des digressions quand je m'y mets... sorry... D'ailleurs je vais finir par les mettre en italique et autre couleur comme ça vous pourrez plus facilement ne pas les lire... et donc, je reviens à la pièce...)

La mise en scène est de Luc Fonteyn. Et il y a énormément de choses à dire sur cette mise en scène originale et inventive, qui offre plusieurs niveaux de lecture à la pièce et permet à chacun d'y voir des choses différentes. C'est donc une interprétation toute personnelle de la pièce et de la mise en scène que je vais vous livrer, n'hésitez pas à commenter ou à m'écrire si vous avez vu la pièce et que vous n'êtes pas d'accord!

D'abord, quelques mots sur le titre. Cloak? Avec un k? Je vous copie les définitions présentes dans le programme:

Cloaque :
1° Lieu destiné à recevoir des immondices. - Par ext. Lieu malpropre, malsain.
Anat. Chez les oiseaux, les reptiles, les marsupiaux, orifice commun des cavités intestinale, urinaire et génitale.
(Le petit ROBERT, 1978)
Cloak :
1° Manteau.
2° (a) Couvrir, revêtir (qqun) d'un manteau. (b) Masquer (ses projets)
(HARRAP'S Shorter French and English Dictionary, 1963)

Et CLOAK, ce sont aussi 5 lettres pour 5 personnages, 5 amis (?) qui se débattent dans le quotidien et les apparences. Il y a deux couples, C et L, et O et K. Et leur ancienne amie, célibataire, qu'ils n'ont pas revue depuis 10 ans, Arlette. Tiens, Arlette et pas A?

L'intrigue est donc simple: un couple avec enfants (L et C), un couple sans enfant (K et O), se réunissent dans le nouvel appartement de K et O. L'une des filles a revu par hasard Arlette, une amie perdue de vue, et l'a invitée à se joindre à eux. Mais avec le temps elle a changé...

Dès la première minute, on est intrigué. Les 5 acteurs, vêtus de cirés de plage et portant des bottes en caoutchouc, se plantent face au public en silence, un petit sourire flottant au coin des lèvres. Pour nous interpeler? C'est décidé, ce soir, sur la scène, ils seront nos doubles. Ce monde lisse où tout va bien en surface, ce sera un peu le nôtre.

Puis, chaque acteur prononce une phrase... sortie on ne sait d'où... Pourtant on aurait presque l'impression qu'elles se suivent et s'adressent au public, ces phrases. Elles sont simplement le reflet des pensées, des faiblesses (vous savez celles qu'on ne montre pas en public) de chaque personnage.... Au cours de la pièce, chacun reprononcera "sa" phrase, cette fois en contexte, en racontant une anecdote, un souvenir personnel, en exprimant ses émotions lors d'un aparté avec le public.

Ensuite, les 5 personnages s'élancent et se lancent dans une chorégraphie. "On ira... où tu voudras quand tu voudras"... Les 5 amis batifolent sur une plage et dans une mer imaginaire au son de "L'été indien" de Joe Dassin. Comme un flash back au temps de l'insouciance, de l'adolescence...

Puis on revient au 'présent', dans le nouvel appartement d'un des couples. L'autre couple arrive en visite.

Là, il faut que je vous parle de la mise en scène et de la scénographie... Pour symboliser cet aspect lisse de notre société des apparences (toutes glacées... tiens ça me rappelle une 'vieillerie' du 1er album de JJG ça) et ce monde, miroir sur lequel on glisse, le metteur en scène a eu l'idée audacieuse de placer les acteurs dans une sorte de représentation de patinage artistique! Le décor est donc très simple: un grand carré blanc et brillant au sol (la patinoire!), un rideau de fond plein de paillettes, quelques chaises, parfois d'autres 'accessoires', et des jeux de lumières selon les pièces de la maison, la couleur des murs.... Les acteurs portent des costumes brillants et colorés comme les patineurs aux JO... Ils glissent et font des pirouettes sur la scène, mimant les figures et les attitudes du patinage alors que leurs déplacements sont quotidiens, qu'ils sont supposés se trouver dans un appartement. Cette distance entre l'aspect très théâtral des mouvements et le quotidien de l'histoire, déconcerte et empêchera peut être certaines personnes de 'rentrer' dans la pièce. J'ai trouvé ça vraiment original, et puis cela illustre bien l'aspect à la fois lisse et glissant (pour ne pas dire "casse-gueule") des relations humaines, poudre aux yeux et sourire Colgate plaqué (pourquoi je pense à un homme politique 'hyper serein', moi? D'ailleurs c'est pas Seraing c'est Charleroi... mwarf....oui je sais c'est biess'), le souci du qu'en dira-t-on, et le règne de l'apparence et de ce qui brille.

J'en reviens à l'histoire... On suit cette rencontre banale d'"amis" dans une série de dialogues (où chacun s'écoute parler et continue sur sa lancée, son idée, sans échange, sans aucun intérêt réel pour les autres autour de lui), entrecoupés d'apartés avec le public, de monologues où chaque personnage exprime ce qu'il ressent, se raconte, par des anecdotes de l'enfance, émouvantes et dérisoires... Entrecoupés de cris: une femme se lève, quitte le groupe et ses discussions sans profondeurs, pour aller hurler sa rage ou son ras-le-bol dans un coin, avant de revenir, naturelle et souriante. Contraste entre l'apparence positive 'tout va bien' et les tensions intérieures... Hmmm... du vécu, non? Jamais eu envie, lors d'une conversation où personne n'écoute personne, d'hurler un bon coup, 'Stop!' (ou "J'en ai marre"... mais moi, effets colatéraux de 'Sois belge', si j'ai envie de crier "J'en ai marre", j'éclate de rire!). Entrecoupés aussi de chansons des années 70 et de chorégraphies endiablées, en écho aux situtions évoquées dans la pièce ("Comme d'habitude" autour d'un frigo sur roulettes pour le couple qui s'effrite, "Gimme Gimme" pour la célibataire,...).

Pourtant, au cours de la pièce, on glisse... (c'est le cas de le dire)... vers des répliques plus cinglantes... des fêlures dans le miroir... la tombée des masques (et de l'obscurité). Le vernis craque petit à petit...

Ca commence avec l'arrivée d'Arlette. Elle, elle s'est libérée. Elle a tout plaqué, son quotidien, son boulot, une position sociale élevée et bien rémunérée dans sa boîte, pour se consacrer à ce qu'elle aimait, à ses envies... Elle est devenue végétarienne, elle recommence à zéro avec un nouveau métier - passion... Bref elle a tombé le masque et elle s'assume (Arlette, et pas A... Parce que c'est la seule qui assume son identité?).

Entre elle et ses anciens amis, c'est l'incompréhension, la distance a grandi avec le temps... Les apparences se fissurent peu à peu. Puis le coup de grâce: une panne de courant généralisée dans le quartier. Plongés dans le noir, à la lueur de 2 bougies, les personnages commencent à se dévoiler, le ton monte, les critiques fusent... La place pour la 'représentation' sociale entre les protagonistes diminue, même si l'une des filles tente de sauver la face et de s'y raccrocher. Pour marquer cela, la scène se réduit, le rideau avançant de plus en plus, poussant les acteurs face au public, sur un dernier lambeau de scène... jusqu'à l'explosion finale: plus de rideau, une table, de la nourriture, des assiettes cassées, des débris... Les apparences ont volé en éclat, et Arlette, entre 2 bouchées, a une révélation à faire... Elle n'a pas peur du loup. Chacun comprendra ce qu'il veut dans sa longue phrase pas très claire. En tout cas pour les protagonistes... Mince, s'ils avaient su cela plus tôt...

Et... Rideau sur une pièce riche et dense, à la mise en scène osée et décalée, avec 5 acteurs impeccables, artistes complets et très talentueux. Un beau moment de théâtre pour une saison 2005-2006 qui touche à sa fin!

Enfin, qui touche à sa fin pour les pièces de théâtre, car j'ai quand même été voir samedi dernier la dernière création de Rosas, la compagnie d'Anne-Teresa de Keersmaeker (danse contemporaine), et surtout, demain soir... concert de la plus pure voix d'Israël, la rayonnante Noa, au Cirque Royal! :-)

A bientôt pour de nouveaux comptes rendus!

Mary

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  • Vision subjective mais passionnée de ce qui se joue dans le plat pays qui est le nôtre. Critiques, coups de coeur (souvent) et de gueule (rarement) de Mary (grande "hanteuse" de salles de théâtre) et Peter (assidu des salles obscures) Commentaires welcom
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