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Derrière les rideaux, la scène (ou l'écran)
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14 mars 2006

D'Ange, Heureuses Liaisons…

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Des volutes blanchâtres s'échappent d'un café brûlant…elles dessinent, sans que je le sache, les prémisses brumeuses de ce qui, derrière les portes nacrées, m'attend. Le pas lent, l'esprit apaisé, je gravis le tapis rouge et pénètre l'antre irréelle…

Des êtres translucides, immobiles, masqués, déjà vêtus de parures bourgeoises, s'affalent nonchalamment dans les recoins de la pièce. Le public entre, les croise, et se faufile, oppressé, vers les sièges disposés à l'entour de la scène, centrale et intégrée. Le plateau immense rassemble orateurs et spectateurs en une même ritournelle épistolaire.

Sans subir de malaise aucun, je m'enivre et me consume à petits feux de l'atmosphère à la fois pesante et généreusement anoblie. Les chandelles dansent langoureusement, la lumière se tamise, les masques tombent…

On peut presque ressentir la plume grattant le papier et l'encre s'y déposer maladroitement à la seule écoute de ces êtres d'exception. Une Madame de Mertueil cynique, cruelle et délicieusement machiavélique; un Vicomte de Valmont dédaigneux, luxurieux et maladroitement amoureux; une Madame de Tourvel sublimée, pâle de candeur et balafrée d'émotion; enfin, les jeunes Danceny et Cécile de Volange, enfants naïfs d'une innocence majestueuse, abattus par les armes diaboliques de leurs aînés sans dieu ni moral.

Mais n'oublions pas qu'au-delà de ces acteurs de talent, il y a un texte fabuleux, traversant les siècles et abreuvant les amateurs de langage châtié mais abordable. Les mots s'entremêlent, lettre après lettre, comme autant de glaives rugissant de leurs éclats de bataille. Si beaucoup s'avisent d'y associer une haine écarlate, mon avis est d'un autre cépage. "Aristocrates lassés recherches liaisons dangereuses pour combler ennuis grégaires de la bourgeoisie perfide, sérieux s'abstenir". Tout ceci n'est qu'un jeu, une diatribe de l'ennui décadent d'une société atrophiée par son propre orgueil. Tout ceci n'est qu'un jeu. Des adultes qui s'amusent de leur impudeur, dans les défis de la douleur morale, seul objectif de ce duel à la plume.

Littéralement perdu dans les monologues dial-aiguisés, le temps s'est enfui à lampées démentielles. On se délecte de l'apogée de Mme de Mertueil…sans se souvenir que tout ce qui possède une apogée, doit posséder une décadence. Madame de Tourvel dévastée, le Vicomte ravagé par les feux de son inconsistance, les jeunes enfants, blessés dans leurs âmes, achevant la scène finale. Dans le dépérissement de ces personnages qui, déjà, ont repris le masque, la lumière se meurt et ne laisse plus que quelques flammèches se morfondre. Danceny, éclatant de sa survie, souffle une à une les bougies demeurant, jusqu'à plonger dans le noir d'une petite mort, l'épopée fracassante qui venait de m'assaillir.

Un chef d'œuvre théâtrale…! Je m'incline…



Peter   @};----

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Derrière les rideaux, la scène (ou l'écran)
  • Vision subjective mais passionnée de ce qui se joue dans le plat pays qui est le nôtre. Critiques, coups de coeur (souvent) et de gueule (rarement) de Mary (grande "hanteuse" de salles de théâtre) et Peter (assidu des salles obscures) Commentaires welcom
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