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2 août 2006

Vous avez dit surréaliste?

J’aurais aussi pu intituler ce post, "décidément, j’adore ma petite Belgique". Car ces 2 phrases sont les conclusions qui s’imposent pour moi après avoir vu "La Balade du Grand Macabre" à Villers-la-Ville.

Petit commentaire de Mary donc au sujet de cette pièce, et peut-être Peter, entre deux démarches administratives, aura-t-il le temps de vous donner son avis aussi ? Puisque c’est en groupe que nous nous sommes laissé tenter par cette « farce bondissante » sortie tout droit de l’imagination de Michel de Ghelderode !

grand_macabre
(photo: www.lesoir.be )

Pas de regret du tout personnellement ! Ne serait-ce que pour le plaisir de voir une telle pièce dans ce magnifique cadre des ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville, cela valait le déplacement. Eh oui, car quel plus beau cadre que des ruines pour une pièce où un grand macabre nous annonce la fin du monde pour minuit ?! Magique, mystique… Le crépuscule tombant au fur et à mesure que l’intrigue avance, nous plonge petit à petit dans l’obscurité (et malheureusement une humidité pas très chaude… le 28/7, il ne faisait pas caniculaire du tout)… Bref, une pièce qui s’harmonise au décor naturel, à moins que ce ne soit l’inverse…

Deuxième atout non négligeable, également accentué par les lieux : les magnifiques lumières créées par Christian Stenuit. C’est grandiose : les détails architecturaux de l’abbaye superbement mis en valeur (même pendant l’entracte), ou l’arbre au centre du plateau qui s’illumine de petites perles scintillantes, tandis que des taches lumineuses sont projetées sur les murs intérieurs entourant le public, par ailleurs plongé dans une harmonie de violets… Ou encore la tour d’angle qui rougeoie en écho aux prédictions de malheur du grand macabre… Et le noir (du ciel, des alentours non éclairés) – jaune – rouge chatoyant, pour saluer l’hymne de Breughellande… Ah vraiment, c’est splendide !

Troisième point positif : l’humour et l’auto-dérision… Je crois qu’on peut parler de ‘surréalisme à la belge’ avec cette pièce, et c’est joliment mis en valeur dans la mise en scène de Stephen Shank (scénographie et décors de Thierry Bosquet).
En quelques mots, l’action se déroule à Breughelland, où un certain Nékrozotar, grand échalas drapé de noir, sort d’une tombe et annonce la fin des temps suite au passage d’une comète. (Oui, jusque là, ça n'a pas l'air très marrant...) Son premier auditeur est un ivrogne du nom de Porprenaz, qui deviendra également son cheval. Ensemble, ils iront d’abord chez Videbolle l’astrologue – historien – j’ai oublié les autres fonctions mais il cumule les mandats lui ! Tout fier d’avoir déjà annoncé la fin du monde. Son atelier est assez étrange, lunette astronomique pour observer la comète, fils et tuyaux en tous genres, rouleaux de négatifs qui servent de support aux messages et prédictions. Un peu comme dans Tintin et l’étoile mystérieuse, si vous voyez (hé oui déjà un parfum de Belgique)… Quant à ce petit bonhomme sur le globe terrestre en cage… Serait-ce Manneken Pis ?

Mais le plus fort reste à venir, chez Sire Goulave, monarque bégayeur de Breughellande ! Ce gourmand arrive sur scène en dégustant un paquet de frites. Les symboles sont nombreux autour de lui, on notera la longue cape mêlant morceaux de drapeaux, où l’on distingue un lion noir sur fond jaune et un coq rouge… Ses deux ministres le rejoignent pour son éducation… Ils le rendent ridicule (à dada !), en font un pantin qui leur obéit mais parvient à les réconcilier, pour la suprématie de la nation (ouf!)… Car ils sont querelleurs, ces deux ministres, ils n’arrêtent pas de se disputer, chacun cherchant à faire mieux que l’autre, à s’attirer les faveurs de Sire Goulave, à placer son discours… ça finit immanquablement par un échange de gifles et de démissions… (toute ressemblance avec une situation communautaire parfois tendue serait évidemment fortuite…) Ces deux traîtres de ministres (si, si…) sont aussi pris d’une folie taxatoire ! Même l’air qu’on respire sera taxé, eh oui !

Lorsque des messagers annoncent l’arrivée du Grand Macabre, Sire Goulave, nostalgique, se lamente sur sa vie tranquille en son pays… Paresseux et buveur, le belge.. euh pardon, le breughell… l’habitant de Breughellande ? En tout cas son hymne, fièrement entonné par Goulave avant l’entracte, (et dont l’air rappelle curieusement quelque chose… mais c’est la Brabançonne !) est une chanson à boire, vantant notre gloire à lever le coude !

Bref, la pièce comme la mise en scène sont remplis de petits clins d’œil, de moments savoureux d’auto parodie, où l’on sent l’allusion à notre pays sous le grotesque ou le burlesque, prouvant que décidément, en Belgique, on sait rire de nous-même ! Alors pour ça aussi, j’ai beaucoup aimé la pièce !

Enfin, et j’aurais pu déjà en parler… les acteurs ! A tout seigneur, tout honneur, Pascal Racan est… à la hauteur de ce qu’il donne d’habitude, c'est-à-dire formidable… Je sais je suis conquise déjà alors ça compte pas… Mais quelle présence ! Quelles intonations, quelles mimiques ! Il est un Nékrozotar au look vampirique (au secours ! on peine à le reconnaître), tout en verticalité (bottes et cape.. est-il donc si grand ?), à la voix envoûtante, autoritaire, qui porte sans forcer dans les ruines. Il est tour à tour grandiose, impressionnant, et pathétique. On tremble et on se moque…
A ses côtés, soulignons un cocasse Michel Poncelet dans le rôle de l’ivrogne Porprenaz. Il est craquant de naïveté, de spontanéité et de bêtise, toujours un peu imbibé… Et l’on se demande d’où il sort les bouteilles qu’il a toujours en suffisance !
Philippe Allard est Goulave, superbe interprétation également, le bégaiement toujours à propos, jamais exagéré, la lâcheté et la peur à portée de main, souvent à s’empiffrer… Mais au fond attendrissant…

L’astrologue Videbolle est excellemment interprété par Didier Colfs, personnage au départ effacé, qui s’émancipe peu à peu, et forme, avec Porprenaz, un joli duo comique et la ‘suite’ du Grand Macabre (pendant des 2 ministres de Goulave ?)

Françoise Oriane, enfin, est étonnante en mégère pas du tout apprivoisée ! Moi qui l’ai plus souvent vue dans des rôles où elle est douce et calme… Contre-emploi total ici ! Seul bémol, j’avoue ne pas avoir bien compris tout ce qu’elle disait quand elle hurle… Par contre pour les autres, c’était ma crainte au départ, l’acoustique du lieu, mais… pas de souci, on entend correctement tout le monde !

Alors bien sûr, je l’avoue, je n’ai pas tout compris…
A l’histoire… un peu nébuleuse, ou sujette à interprétation au moins, à la fin… Mais Porprenaz ne le dit-il pas… Il faut comprendre qu’on ne doit pas comprendre (bon la citation n’est pas exacte mais c’est l’idée)… Que s’est-il réellement passé, qui était vraiment Nékrozotar ? Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de hareng saur ??
Peut-être pas tout compris non plus à la mise en scène… en tout cas l’espèce de roue (de la fortune ? de bateau ?) formée de jambes… on n’a pas trop saisi… De même que la symbolique de la jambe d’une manière générale d’ailleurs, lors de la scène (d’enterrement) d’ouverture…

Mais est-il vraiment nécessaire de tout comprendre pour apprécier le spectacle ? Je ne le pense pas. C’est agréable aussi parfois d’abandonner la logique, de se laisser aller à la beauté du texte, des lumières, des décors, au charisme des acteurs…

Bref un bon moment pour moi que cette Balade du Grand Macabre… à découvrir, encore à Villers jusqu’au 5/8 (dépêchez-vous !), puis au festival de Spa en août, à Louvain-La-Neuve en septembre, et à Bruxelles aux Galeries en novembre!

Bonne soirée!

Mary

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  • Vision subjective mais passionnée de ce qui se joue dans le plat pays qui est le nôtre. Critiques, coups de coeur (souvent) et de gueule (rarement) de Mary (grande "hanteuse" de salles de théâtre) et Peter (assidu des salles obscures) Commentaires welcom
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